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LE SOPHA

fâchée ? C’est que j’en suis furieux, désolé, je ne m’en consolerai jamais. Ceci fait une aventure unique, étonnante, du premier rare !… Enfin, ne peut-on pas savoir ce que c’est que tout cela ? Dites donc, vous autres ! vous ne parlez point. Ah ! je vois ce que c’est ; j’en suis la cause innocente. Vous me croyez infidèle, oui, vous le croyez. Que vous connaissez peu mon cœur ! Je reviens à vous mille fois, je dis : mille fois plus tendre, plus épris, plus enchanté que jamais ! »

« Plus Mazulhim feignait de tendresse, plus Zulica, déconcertée, abattue, s’obstinait au silence. Nassès, qui jouissait malignement de sa confusion, craignait, s’il répondait à Mazulhim, qu’elle ne profitât de ce temps-là pour se remettre, et attendait impatiemment qu’elle répondît elle-même. Ce fut en vain. Ils restèrent quelque temps tous trois dans le silence.

— « De grâce, éclaircissez-moi ce mystère ! dit enfin Mazulhim à Nassès. Est-ce de vous ou de moi que Madame a à se plaindre ? Ne m’aime-t-elle plus ? Vous aime-t-elle ?

— « Point du tout ! repartit Nassès : c’est moi, puisqu’il faut vous le dire, que l’infidèle juge à propos de ne plus aimer. Nous sommes brouillés.

— « Ah ! perfide ! dit Mazulhim, après les serments que vous m’aviez faits de m’être toujours fidèle… Quelle horreur !