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LE SOPHA

— « Ce n’est qu’avec une peine extrême que je suis parvenu à consoler Madame de votre perte, répondit Nassès : c’est une justice que je lui dois, et pour faire mon devoir jusques au bout, je vais, quelque chose qu’il m’en coûte, vous laisser essayer si vous pourrez avec plus de facilité la consoler de la mienne. Adieu, Madame ! poursuivit-il en s’adressant à Zulica ; mon bonheur n’a pas duré longtemps ; mais je connais trop la bonté de votre cœur pour ne pas espérer qu’un jour vous me rendrez ce que votre prévention me fait perdre aujourd’hui. En cas qu’il vous plaise de vous souvenir de moi, soyez sûre que je serai toujours à vos ordres ! »

« Lorsque Nassès fut parti, Zulica se leva brusquement, et, sans regarder Mazulhim, voulut sortir aussi.

— « Non, Madame, lui dit-il, d’un air respectueux ; je ne puis me déterminer à vous quitter sans m’être justifié ; il se pourrait aussi que vous eussiez quelques petites excuses à me faire, et, de quelque façon que ce soit, il me paraît indécent que nous nous séparions sans nous être expliqués. Garderez-vous toujours le silence ? Ne vous souvient-il plus que vous m’aviez promis une constance éternelle ?

— « Ah ! Monsieur ! répondit-elle en pleurant, n’ajoutez pas à vos autres indignités, celle de me parler encore d’un amour que vous n’avez jamais ressenti !