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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/250

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LE SOPHA

y gagnerez-vous autant que moi. Voyons un peu. La présence de Nassès vous a fâchée d’abord, je n’en doute pas ; et ce dont je doute aussi peu, c’est que, pour vous mettre à l’aise avec lui, vous l’avez accablé de toutes les faveurs que vous aviez la bonté de me destiner.

— « Quand cela serait ? répondit fièrement Zulica.

— « J’entends, interrompit-il ; cela est !

— « Eh bien ! oui, reprit-elle courageusement, oui, je l’ai aimé !

— « N’abusons pas ici des mots, répliqua-t-il ; vous ne l’avez point aimé, mais cela est revenu au même. Convenez, puisque à présent vous le connaissez un peu, que c’est un homme d’un rare mérite.

— « Ce que j’en sais, repartit-elle froidement, c’est que, s’il est fat, insolent et sans égards, il a du moins de quoi se le faire pardonner, et que tel qui ose prendre les mêmes tons, aurait plus d’une raison pour être modeste !

— « Toute détournée qu’est cette épigramme, reprit-il, je sens à merveille qu’elle s’adresse à moi, et je veux bien, sans que cela tire à conséquence, vous donner la petite consolation de me l’entendre avouer. Je pousserai même les égards beaucoup plus loin, et ne me permettrai pas une justification dont peut-être la politesse serait blessée.