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LE SOPHA

Tout y respirait la volupté ; les ornements, les meubles, l’odeur des parfums exquis qu’on y brûlait sans cesse, tout la retraçait aux yeux, tout la portait dans l’âme. Ce cabinet enfin aurait pu passer pour le temple de la mollesse, pour le vrai séjour des plaisirs.

« Un instant après que je m’y fus placé, je vis entrer la divinité à qui j’allais appartenir. C’était la fille de l’omrah chez qui j’étais. La jeunesse, les grâces, la beauté, ce je ne sais quoi qui seul les fait valoir, et qui, plus puissant, plus marqué qu’elles-mêmes, ne peut cependant jamais être défini ; tout ce qu’il y a de charmes et d’agréments composait sa figure. Mon âme ne put la voir sans émotion ; elle éprouva à son aspect mille sensations délicieuses que je ne croyais pas à son usage. Destiné à porter quelquefois une si belle personne, non seulement je cessai de me tourmenter sur mon sort, mais même je craignis d’être obligé de commencer une nouvelle vie.

— « Ah ! Brahma, me disais-je, quelle est donc la félicité que tu prépares à ceux qui t’ont bien servi, puisque tu permets que les âmes que ton juste courroux a éprouvées jouissent de la vue de tant d’attraits ? Viens, continuais-je avec transport, viens ! image charmante de la divinité, viens calmer une âme inquiète, qui déjà serait confondue avec la tienne, si des ordres cruels ne la retenaient pas dans sa prison ! »