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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/262

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LE SOPHA

chaque mouvement qu’elle faisait, dérangeant sa tunique, offrait à mes avides regards de nouvelles beautés. Tant d’appas achevèrent de troubler mon âme. Accablée sous le nombre et la violence de ses désirs, toutes ses facultés demeurèrent quelque temps suspendues. C’était en vain que je voulais former une idée ; je sentais seulement que j’aimais, et sans prévoir ou craindre les suites d’une aussi funeste passion, je m’y abandonnais tout entier.

— « Objet délicieux ! m’écriai-je enfin, non, tu ne peux pas être une mortelle. Tant de charmes ne sont pas leur partage. Au-dessus même des êtres aériens, il n’en est point que tu n’effaces. Ah ! daigne recevoir les hommages d’une âme qui t’adore ! Garde-toi de lui préférer quelque vil mortel ! Zéïnis ! divine Zéïnis ! Non, il n’en est point qui puisse te ressembler ! »

« Pendant que je m’occupais de Zéïnis avec tant d’ardeur, elle fit un mouvement et se retourna. La situation où elle venait de se mettre m’était favorable, et, malgré mon trouble, je songeai à en profiter. Zéïnis était couchée sur le côté, sa tête était penchée sur un coussin du sopha, et sa bouche le touchait presque. Je pouvais, malgré la rigueur de Brahma, accorder quelque chose à la violence de mes désirs ; mon âme alla se placer sur le coussin, et si près de la bouche de Zéïnis qu’elle parvint enfin à s’y coller tout entière.