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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/265

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LE SOPHA

son réveil. Il ne lui resta plus de la douce illusion qui avait occupé ses sens, qu’une tendre langueur à laquelle elle se livra avec une volupté qui la rendait bien digne des plaisirs dont elle venait de jouir. Ses regards, où l’amour même régnait, étaient encore chargés du feu qui coulait dans ses veines. Quand elle put ouvrir les yeux, ils avaient déjà perdu l’impression voluptueuse que mon amour et le trouble de ses sens y avaient mise, mais qu’ils étaient encore touchants ! Quel mortel, en se devant le bonheur de les voir ainsi, ne serait expiré de l’excès de sa tendresse et de sa joie ?

— « Zéïnis ! m’écriai-je avec transport, aimable Zéïnis ! C’est moi qui viens de te rendre heureuse ; c’est à l’union dé ton âme et de la mienne que tu dois tes plaisirs. Ah ! puisses-tu les lui devoir toujours, et ne répondre jamais qu’à mon ardeur ! Non, Zéïnis, il n’en peut jamais être de plus tendre et de plus fidèle ! Ah ! si je pouvais soustraire mon âme au pouvoir de Brahma, ou qu’il pût l’oublier, éternellement attachée à la tienne, ce serait par toi seule que son immortalité pourrait devenir un bonheur pour elle, et qu’elle croirait perpétuer son être. Si je te perds jamais, âme que j’adore ! Eh ! comment dans l’immensité de la nature, où, accablé de ces liens cruels dont Brahma me chargera peut-être, pourrai-je te retrouver ? Ah ! Brahma ! si