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LE SOPHA

lui obéir, il les lui serrait avec une expression si tendre et des transports si vifs, que Zéïnis en soupira.

— « Ah ! Phéléas ! lui dit-elle avec émotion, sortons d’ici, je vous en conjure !

— « Me craindrez-vous toujours ? lui demanda-t-il tendrement. Ah ! Zéïnis ! Que mon amour vous touche peu ! Que pouvez-vous craindre d’un amant qui vous adore, qui presque en naissant fut soumis à vos charmes, et qui depuis, uniquement touché d’eux, n’a voulu vivre que pour vous ? Zéïnis ! ajouta-t-il en versant des larmes, voyez l’état où vous me réduisez ! »

« En achevant ces paroles, il leva sur elle ses yeux chargés de pleurs ; elle le fixa quelque temps d’un air attendri, et cédant enfin aux transports que l’amour et la douleur de Phéléas lui causaient :

— « Ah ! cruel ! lui dit-elle d’une voix étouffée par les pleurs qu’elle tâchait de retenir ; ai-je mérité les reproches que vous me faites, et quelles preuves puis-je vous donner de ma tendresse, si, après toutes celles que vous en avez reçues, vous voulez en douter encore ?

— « Si vous m’aimiez, répondit-il, ne vous oublieriez-vous pas avec moi dans cette solitude, et, loin d’en vouloir sortir, auriez-vous quelque autre crainte que celle qu’on ne vînt nous y troubler ?