Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/269

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
265
LE SOPHA

« Phéléas, sans lui répondre, lui saisit une main, et la baisa avec toute l’ardeur dont j’aurais été capable. Zéïnis le regardait languissamment ; elle soupirait, encore émue de ce songe qui lui avait peint son amant si pressant, et où elle avait été si faible : disposée encore plus à l’amour par les impressions qui lui en étaient restées, chaque fois que ses yeux se tournaient vers Phéléas, ils devenaient plus tendres, et reprenaient insensiblement un peu de cette volupté que mon amour y avait mise quelques moments auparavant.

« Malgré le peu d’expérience de Phéléas, sa tendresse, qui le rendait attentif à tous les mouvements de Zéïnis, les lui laissait assez remarquer pour qu’il ne pût pas douter qu’elle le voyait avec plaisir. Zéïnis, d’ailleurs, simple et sans art, ne cachant à Phéléas que par pudeur l’état où sa présence la mettait, en croyant lui dérober beaucoup du trouble dont elle était agitée, le lui montrait tout entier. Phéléas n’en savait pas assez pour triompher d’une coquette dont la fausse vertu et les airs décents l’auraient effrayé, mais il n’était que trop dangereux pour Zéïnis qui, pressée par son amour, ignorait, même en craignant de céder, la façon dont elle aurait pu se défendre.

« Avec quelque plaisir qu’elle vît Phéléas à ses genoux, elle le pria de se lever. Loin de