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LE SOPHA
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— « Ah ! Zeïnis ! lui dit-il, dans ce songe dont vous m’avez parlé, vous ne craigniez pas de me rendre heureux !

— « Hélas ! répondit-elle, quel que soit mon amour pour vous, sans lui, sans le trouble qu’il a mis dans mes sens, vous n’en auriez pas tant obtenu ! »

« Imaginez, Sire, quel fut mon chagrin lorsque j’ai appris que c’était à moi seul que mon rival devait son bonheur.

— « Vous devez être content de votre victoire, continua-t-elle, et vous ne pouvez, sans m’offenser, vouloir la pousser plus loin. J’ai fait plus que je ne devais pour vous prouver ma tendresse, mais…

— « Ah ! Zéïnis ! interrompit l’impétueux Phéléas, s’il était vrai que tu m’aimasses, tu craindrais moins de me le dire, ou du moins tu me le dirais mieux. Loin de ne livrer à mon amour qu’avec timidité, tu t’abandonnerais à tous mes transports, que tu ne croirais pas encore faire assez pour moi. Viens, continua-t-il en s’élançant auprès d’elle avec une vivacité qui m’aurait fait mourir si une âme était mortelle, viens, achève de me rendre heureux.

— « Ah, Phéléas ! s’écria d’une voix tremblante la timide Zéïnis, songes-tu que tu me perds ? Hélas ! tu m’avais juré tant de respect, Phéléas ! Est-ce ainsi qu’on respecte ce qu’on aime ?