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LE SOPHA

« Les pleurs de Zéïnis, ses prières, ses ordres, ses menaces, rien n’arrêta Phéléas. Quoique la tunique de gaze qui était entre elle et lui ne le laissât jouir déjà que de trop de charmes, et que ses transports l’eussent remise comme elle était pendant le sommeil de Zéïnis ; moins satisfait des beautés qu’elle offrait à sa vue que transporté du désir de voir celles qu’elle lui dérobait encore, il écarta enfin ce voile que la pudeur de Zéïnis défendait encore faiblement, et, se précipitant sur les charmes que sa témérité offrait à ses regards, il l’accabla de caresses si vives et si pressantes qu’il ne lui resta plus que la force de soupirer.

« La pudeur et l’amour combattaient cependant encore dans le cœur et dans les yeux de Zéïnis. L’une refusait tout à l’amant, l’autre ne lui laissait presque plus rien à désirer. Elle n’osait porter ses regards sur Phéléas, et lui rendait avec une tendresse extrême tous les transports qu’elle lui inspirait. Elle défendait une chose pour en permettre une plus essentielle ; elle voulait, et ne voulait plus ; cachait une de ses beautés pour en découvrir une autre ; elle repoussait avec horreur, et se rapprochait avec plaisir. Le préjugé quelquefois triomphait de l’amour, et lui était un instant après sacrifié, mais avec des réserves et des précautions qui, tout vaincu qu’il en avait paru, le faisait triompher encore. Zéïnis