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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/284

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LE SOPHA

beaux yeux de Zéïnis versèrent des larmes, sa bouche voulut former quelques plaintes, et dans cet instant sa tendresse seule ne lui fit point pousser des soupirs. Phéléas, auteur de tant de maux, n’en était cependant pas plus haï ; Zéïnis, de qui Phéléas se plaignait, n’en fut que plus tendrement aimée. Enfin, un cri plus perçant qu’elle poussa, une joie plus vive que je vis briller dans les yeux de Phéléas, m’annoncèrent mon malheur et ma délivrance ; et mon âme, pleine de son amour et de sa douleur, alla en murmurant recevoir les ordres de Brahma, et de nouvelles chaînes.

— Quoi ! c’est là tout ? demanda le Sultan. Ou vous avez été sopha bien peu de temps, ou vous avez vu bien peu de chose pendant que vous l’étiez !

— Ce serait vouloir ennuyer Votre Majesté que de lui raconter tout ce dont j’ai été témoin pendant mon séjour dans les sophas, répondit Amanzéi ; et j’ai moins prétendu lui rendre toutes les choses que j’ai vues, que celles qui pouvaient l’amuser.

— Quand les choses que vous avez racontées, dit la Sultane, seraient plus brillantes que celles que vous avez supprimées, et je le crois (puisqu’il est impossible d’en faire la comparaison), on aurait toujours à vous reprocher de n’avoir amené sur la scène que quelques caractères, pendant que tous étaient entre vos mains, et d’avoir volontairement