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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/41

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LE SOPHA

si rempli encore de la fausseté de Fatmé, que je ne doutai pas d’abord qu’elle ne fît les mêmes choses, et je confondis, au premier coup d’œil, la femme vertueuse avec l’hypocrite. Jamais je ne voyais entrer un esclave ou un Brahmine, sans croire qu’on me mettrait de la conversation, et je fus longtemps étonné d’y être toujours compté pour rien.

« L’oisiveté à laquelle on me condamnait dans cette maison m’ennuya enfin, et persuadé que ce serait en vain que j’attendrais qu’on m’y donnât matière à observations, je quittai le sopha de cette dame, charmé d’être convaincu par moi-même qu’il y avait des femmes vertueuses, mais désirant assez peu d’en retrouver de pareilles.

« Mon âme, pour varier les spectacles que son état actuel pouvait lui procurer, ne voulut pas, en quittant ce palais, rentrer dans un autre, et s’abattit dans une vilaine maison, obscure, petite, et telle que je doutai d’abord s’il y aurait de quoi m’y donner retraite. Je pénétrai dans une chambre triste, meublée au-dessous du médiocre, et dans laquelle pourtant je fus assez heureux pour rencontrer un sopha, qui, terni, délabré, témoignait assez que c’était à ses dépens qu’on avait acquis les autres meubles qui l’accompagnaient. Ce fut, avant que je susse chez qui j’étais, la première idée qui me vint, et, quand je l’appris, je ne changeai pas d’opinion.