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LE SOPHA

femme respectable, qui jusques-là avait été présente à la conversation, se retira et ferma la porte.

« Ce n’est pas d’une pareille conversation, dit Amanzéi en s’interrompant, que je rendrai un compte exact à Votre Majesté ; Aminé y parut tout à fait tendre et vive jusqu’au transport. Abdalathif avait pris soin de lui dire auparavant que les femmes réservées dans leurs discours lui déplaisaient et, avec l’envie qu’Amine avait de lui plaire, son éducation et les habitudes qu’elle avait contractées, Votre Majesté imagine sans peine qu’il se tint des propos qu’il serait difficile de lui rendre et qui d’ailleurs ne la flatteraient pas.

— Pourquoi cela ? demanda le Sultan ; peut-être les trouverais-je fort bons. Voyons un peu.

— Voyez ! dit la Sultane en se levant ; mais comme je suis sûre qu’ils ne m’amuseraient pas, vous trouverez bon que je sorte.

— Voyez-vous cela ! s’écria le Sultan, la belle modestie ! Vous croyez peut-être que j’en suis la dupe ; détrompez-vous ! Je connais les femmes à présent, et je me souviens d’ailleurs qu’un homme qui les connaissait aussi bien que moi, ou à peu près, m’a dit que les femmes ne font rien avec tant de plaisir que ce qui leur est défendu, et qu’elles n’aiment que les discours qu’il semble qu’elles ne doivent pas entendre ; par conséquent, si