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LE SOPHA

vous sortez, ce n’est pas que vous ayez l’envie de sortir. Mais n’importe, Amanzéi me dira à mon coucher ce que vous ne voulez pas qu’il me dise à présent. Cela fera précisément que je n’y perdrai rien, n’est-il pas vrai ? »

Amanzéi n’avait garde de ne pas convenir que le Sultan avait raison, et, après avoir exagéré la prudence de sa conduite, il continua ainsi :

« Après l’entretien d’Abdalathif et d’Amine, qui fut plus long qu’intéressant, on servit. Comme je n’étais pas dans la salle à manger, je ne puis, Sire, vous rendre compte de ce qu’ils y dirent. Ils revinrent longtemps après. Quoiqu’ils eussent soupé en tête-à-tête, il me parut qu’ils n’en avaient pas été plus sobres. Après quelques fort mauvais discours, Abdalatif s’endormit sur le sein de la dame.

« Amine, toute complaisante qu’elle était, trouva mauvais d’abord qu’Abdalathif prît avec elle de si grandes libertés. Sa vanité souffrait aussi du peu de cas qu’il paraissait faire d’elle. Les éloges qu’il lui avait donnés sur la façon dont elle avait soutenu l’entretien qu’elle avait eu avec lui, l’avaient enorgueillie, et lui faisaient croire qu’elle méritait qu’il prît la peine de l’entretenir encore. Malgré les attentions qu’elle devait à Abdalathif, elle s’ennuya de la contrainte où il la retenait, et elle en aurait étourdiment marqué son chagrin, si