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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/56

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LE SOPHA

lui avait fait de ses souffrances (car je ne saurais croire qu’une âme si belle eût pu être sensible à l’intérêt), l’introduisit discrètement dans l’appartement de sa fille, et ne se retira qu’après qu’il lui eut donné parole positive de ne faire à Amine aucune proposition qui pût alarmer la pudeur d’une fille aussi sage et aussi modeste.

— « En vérité ! dit Amine au jeune homme, quand ils furent seuls, il faut que je vous aime bien tendrement pour m’être déterminée à ce que je fais ! Car enfin, je trompe un honnête homme, que je n’aime point à la vérité, mais à qui pourtant je devrais être fidèle. J’ai tort, je le sens bien : mais l’amour est une terrible chose, et ce qu’il me fait faire aujourd’hui est bien éloigné de mon caractère.

— « Je vous en sais d’autant plus de gré ! répondit le jeune homme, en voulant l’embrasser.

— « Oh ! pour cela, répliqua-t-elle en le repoussant, voilà ce que je ne veux pas vous permettre : de la confiance, du sentiment, du plaisir à vous voir, je vous en ai promis, mais si j’allais plus loin je trahirais mon devoir.

— « Mais, mon enfant, lui dit le jeune homme, deviens-tu folle ? Qu’est-ce donc que le jargon dont tu te sers ? Je te crois tout le sentiment du monde assurément : mais à quoi