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LE SOPHA

veux-tu qu’il nous serve ? Est-ce pour cela que je suis venu ici ?

— « Vous vous êtes trompé, répondit-elle, si vous avez attendu de moi quelque autre chose. Quoique je n’aime point le seigneur Abdalathif, j’ai fait vœu de lui être fidèle, et rien ne peut m’y faire manquer.

— « Ah ! petite reine, repartit le jeune homme en raillant, d’abord que tu as fait un vœu, je n’ai rien à dire, cela est respectable ; et pour la rareté du fait, je te permets d’y demeurer fidèle. Hé ! dis-moi, en as-tu beaucoup fait de pareils en ta vie ?

— « Ne raillez pas, répondit Amine ; je suis fort scrupuleuse.

— « Oh ! tu ne m’étonnes point, répliqua-t-il ; vous autres filles, tant soit peu publiques, vous vous piquez toutes de scrupules, et vous en avez en général beaucoup plus que les femmes vertueuses. Mais à propos de ton vœu, tu aurais tout aussi bien fait de m’en instruire tantôt et de ne me pas faire prendre la peine de venir passer la nuit ici !

— « Cela est vrai, répondit-elle d’un air embarrassé ; mais vous m’avez fait des propositions si brillantes, que d’abord elles m’ont ébloui, je l’avoue.

— « Hé ! lui demanda-t-il, la réflexion te les a donc gâtées ? Tiens, poursuivit-il en tirant une bourse, voilà ce que je t’ai promis ; je suis homme de parole ; il y a là-dedans de