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LE SOPHA

vice même, déguisé sous l’apparence de l’amour, embelli de toute la délicatesse et de toute l’élégance possibles, ne s’offre jamais aux yeux que sous les formes les plus séduisantes.

« La maîtresse de ce palais était charmante, et à la tendresse qu’elle avait dans les yeux, autant qu’à sa beauté, je jugeai que mon âme y trouverait des amusements. Je restai quelque temps dans son sopha sans qu’elle daignât seulement s’y asseoir. Cependant elle aimait et elle était aimée. Poursuivie par son amant, persécutée par elle-même, il n’y avait pas d’apparence que je lui fusse toujours aussi indifférent qu’elle semblait se le promettre.

« Quand j’entrai chez elle, il avait déjà obtenu la permission de lui parler de son amour ; mais quoiqu’il fût aimable et pressant, que même il eût déjà persuadé, il était encore bien loin de vaincre.

« Phénime (c’est ainsi qu’elle s’appelait) renonçait avec peine à sa vertu, et Zulma, trop respectueux pour être entreprenant, attendait, du temps et des soins, qu’elle prît pour lui autant d’amour qu’il en ressentait pour elle. Mieux informé que lui des dispositions de Phénime, je ne concevais pas qu’il pût connaître aussi peu son bonheur. Toutes les fois qu’il la trouvait seule (et sans s’en apercevoir elle lui en donnait mille occasions), l’émotion la plus tendre et la plus marquée