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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/79

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LE SOPHA

inspirait ; elle volait avec empressement au-devant de ses caresses, et comme quelques moments auparavant elle s’estimait de lui résister, elle mettait alors toute sa gloire à le bien convaincre de sa tendresse.

« Il me serait impossible de me rappeler les discours de deux amants qui, enivrés d’eux-mêmes, s’interrogeaient et ne se donnaient jamais le temps de se répondre, et dont les idées, n’ayant alors entre elles aucune liaison, ne peignaient que le désordre de leur âme, et ne devaient pas avoir pour un tiers le même charme que pour eux. J’étais surpris et de la vivacité de leur passion, et des ressources qu’ils y trouvaient. Ils ne se séparèrent que fort tard, et Zulma fut à peine sorti, que Phénime, qui lui avait consacré tous ses moments, se mit à lui écrire.

« Zulma revint le lendemain de fort bonne heure, toujours plus amoureux, toujours plus tendrement aimé, jouir aux genoux, ou dans les bras de Phénime, des plus délicieux moments.

« Malgré le penchant qui me portait à changer souvent de demeure, je ne pus résister au désir de savoir si Zulma et Phénime s’aimeraient longtemps, et cette curiosité m’arrêta chez elle près d’un an ; mais voyant enfin que leur amour, loin de diminuer, semblait tous les jours prendre de nouvelles forces, et qu’ils avaient même joint à toutes les délicatesses, à