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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/91

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LE SOPHA

reuse, vous ne pouvez le supprimer ou l’adoucir sans être coupable. N’est-il donc pour vous d’aucune conséquence d’ignorer ce que peuvent sur vous de certaines idées ? Oserez-vous compter sur vous-même, quand vous ne vous serez pas éprouvée ? Ainsi donc, ménageant toujours votre âme, vous ignorez toujours quelles sont ses forces ! Almaïde, croyez-moi, l’on ne craint jamais assez un danger que l’on ne connaît pas, et l’on ne tombe ordinairement que pour avoir trop compté sur soi-même. Vous ne pouvez donc peser trop sur toutes les circonstances de votre histoire ; ce n’est que par l’effet qu’elles feront aujourd’hui sur vous, que vous pourrez apprendre jusques où vont les progrès que vous avez faits dans le chemin de la vertu, ou (ce qui est encore plus essentiel) ce qu’il vous reste encore à détruire pour parvenir à cette aversion totale des plaisirs, qui seule fait les vertueux. »

« Ce conseil me surprit dans la bouche de Moclès ; je lui connaissais de la droiture et des lumières, et je ne concevais pas ce qui dans cet instant le faisait raisonner d’une façon si contraire à ses principes. « Quoi ! me dis-je avec étonnement, c’est Moclès, ce sage Moclès ! qui conseille à Almaïde de peser sur des détails qui peuvent blesser la pudeur, et porter la corruption ? » L’envie que j’avais de m’éclaircir des motifs de Moclès,