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Page:Crébillon (Fils) - Le Sopha.djvu/95

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LE SOPHA

vertu ! Je souhaitais (mais avec quels efforts ! Combien ne souffrais-je pas à le souhaiter !) que l’on vînt m’arracher au sort qui me menaçait. En même temps que je formais cette idée, un mouvement contraire qui agissait sur moi avec la dernière violence, et qui cependant me déplaisait moins que le premier, me faisait désirer vivement que rien ne s’opposât à ma défaite. En rougissant de ce que je sentais, je brûlais d’en sentir davantage. Sans imaginer de nouveaux plaisirs, j’en souhaitais ; l’ardeur qui me dévorait commençait à devenir un supplice pour moi et à fatiguer mes sens. Quelle que fût l’ivresse dans laquelle j’étais plongée, je n’avais pas encore pu parvenir à étouffer cette voix importune qui criait au fond de mon cœur, et qui, n’ayant pu m’arracher à ma faiblesse, continuait de me la reprocher, lorsque ce jeune homme, rembarquant, sans doute, l’impression qu’il faisait sur moi, poussa enfin jusqu’au bout les outrages qu’il me faisait. Il… mais comment pourrais-je vous exprimer ce dont je rougis encore ? Occupée uniquement, autant que mon trouble me le permettait, à me défendre de ces baisers dont il m’accablait sans cesse, je n’avais point pris d’ailleurs de précautions contre lui. Malgré le cruel état où j’étais, cette nouvelle insulte réveilla ma fureur ; hélas ! ce ne fut pas pour longtemps. Je sentais bientôt augmenter mon désordre ; jusqu’aux efforts que je faisais pour