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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/230

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Il remettrait l’état sous sa première loi.
Sur cet espoir charmant aux autels entraînée,
Moi-même je hâtais ce fatal hyménée ;
Et mon parjure amant osa bien l’achever,
Teint du sang qu’à ce prix je prétendais sauver.
Mais le ciel irrité contre ces nœuds impies,
Éclaira notre hymen du flambeau des Furies.
Quel hymen, justes dieux ! Et quel barbare époux !

Phénice

Je sais que tout un peuple indigné contre vous,
Vous imputant du roi la triste destinée,
Ne vit qu’avec horreur ce coupable hyménée.

Zénobie

Les cruels, sans savoir qu’on me cachait son sort,
Osèrent bien sur moi vouloir venger sa mort.
Troublé de ses forfaits, dans ce péril extrême,
Rhadamisthe en parut comme accablé lui-même.
Mais ce prince, bientôt rappelant sa fureur,
Remplit tout à son tour de carnage et d’horreur.
« suivez-moi, me dit-il : ce peuple qui m’outrage,
En vain à ma valeur croit fermer un passage :
Suivez-moi. » des autels s’éloignant à grands pas,
Terrible et furieux, il me prit dans ses bras,
Fuyant parmi les siens à travers Artaxate,
Qui vengeait, mais trop tard, la mort de Mithridate.
Mon époux cependant, pressé de toutes parts,
Tournant alors sur moi de funestes regards…
Mais, loin de retracer une action si noire,
D’un époux malheureux respectons la mémoire :
Épargne à ma vertu cet odieux récit.
Contre un infortuné je n’en ai que trop dit.
Je ne puis rappeler un souvenir si triste,
Sans déplorer encor le sort de Rhadamisthe.
Qu’il te suffise enfin, Phénice, de savoir,
Victime d’un amour réduit au désespoir,
Que par une main chère, et de mon sang fumante,
L’Araxe dans ses eaux me vit plonger mourante.

Phénice

Quoi ! Ce fut votre époux… quel inhumain, grands
Dieux !

Zénobie

Les horreurs de la mort couvraient déjà mes yeux,
Quand le ciel, par les soins d’une main secourable,
Me sauva d’un trépas sans elle inévitable.
Mais, à peine échappée à des périls affreux,
Il me fallut pleurer un époux malheureux.