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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/395

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III}}

Amestris, Phénice.
Amestris.

Je demeure interdite, et mon âme abattue
Succombe au coup mortel dont ce discours me tue !
Quoi ! Darius m'aimait, et par un sort fatal
Il faut que je l'apprenne encore de son rival,
D'un rival qui le plaint et qui le justifie,
Tandis qu'à de faux bruits mon cœur le sacrifie ?
Ai-je bien pu revoir ce prince si chéri,
Sans que de ses malheurs mon cœur fût attendri ?
D'un mensonge odieux, sans percer le nuage,
Le crime et la vertu n'ont-ils donc qu'un langage,
Et des coeurs par l'amour unis si tendrement,
Se doivent-ils, hélas, méconnaître un moment ?
À sa vertu du moins j'aurais dû reconnaître
Le mortel le plus grand que le ciel ait fait naître ;
Et cependant, pour prix de sa fidélité,
Je l'outrage moi-même avec indignité ;
Je me joins au cruel dont la fureur l'opprime,
Je pare de mes mains l'autel et la victime ;
J'achève d'accabler, au mépris de ma foi,
Un cœur qui n'espérait peut-être plus qu'en moi !
Ah ! J'en mourrai, Phénice, et ma douleur extrême...
On ouvre ; quel objet ! C'est Darius lui-même :
Fuyons, dérobons-nous de ces funestes lieux,
Je ne mérite plus de paraître à ses yeux.


Scène IV

Darius, Amestris, Phénice.
Darius.

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Demeurez, Amestris, et d'une âme adoucie
Contemplez les horreurs dont mon âme est saisie.
Non que ce triste objet de votre inimitié
Ose encore implorer un reste de pitié ;
Ce n'était pas assez qu'on m'eût ravi l'empire,
On me ravit encore le seul bien où j'aspire !
J'ai beau porter partout mes funestes regards,
Je ne vois qu'ennemis, qu'horreurs de toutes parts.