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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/402

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J'admire Darius, et 'en aime encore plus.
Je suis touché de voir un cœur si magnanime,
Avec tant de raisons de recourir au crime,
Conserver cependant pour son père et son roi,
Malgré son injustice, une si tendre foi.
Que je plains l'univers de perdre un si grand maître !
Ah ! Seigneur, c'est ainsi qu'on est digne de l'être ;
C'est par des sentiments si grands, si généreux,
Qu'on mérite, en effet, notre encens et nos voeux.
Il n'est que Darius seul semblable à lui-même,
Qui puisse renoncer à la grandeur suprême,
À l'éclat, aux honneurs d'une pompeuse cour,
Et peut-être immoler jusques à son amour.

Darius.

Ah ! Cruel Artaban, quelle fureur vous guide ?
Et que prétend de moi votre adresse perfide ?
Laissez-moi mon respect, laissez-moi mes remords,
N'excitez point contre eux de dangereux transports.
Je sens qu'au souvenir de ma chère princesse,
Toute ma vertu cède à l'ardeur qui me presse.
Pour conserver un bien qui fait tout mon bonheur,
Il n'est rien qu'en ces lieux ne tente ma fureur.
S'il est vrai que mon sort vous intéresse encore,
Sur ce point seulement Darius vous implore.

Artaban.

Eh bien, Seigneur, hé bien, pour vous la conserver,
De ces lieux, s'il le faut, je la vais enlever ;
Je vous puis cependant offrir une retraite
Contre vos ennemis, sûre autant que secrète.

Darius.

En quels lieux ?

Artaban.

C'est ici, dans ce même palais
Dont Xerxès prétendait vous exclure à jamais ;
Pour mieux vous y cacher, j'écarterai la garde,
Le droit d'en disposer seul ici me regarde.
Du moment que la nuit aura voilé les cieux,
Nous pourrons enlever Amestris de ces lieux.
Quoi, Darius balance ? Et quelle est son attente ?
Qu'on lui vienne ravir le jour et son amante ?
Acceptez le secours que j'ose vous offrir :
À vos ordres, Seigneur, ce palais va s'ouvrir.

Darius.

Moi, dans ces lieux sacrés que j'ose m'introduire !

Artaban.