Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/502

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L’assassinat, Philippe, est indigne de nous ;
Avant que d’éclater, tu pouvais l’entreprendre ;
Mais instruit du projet, je dois te le défendre :
Je m’en ferais un crime, après l’avoir appris,
Et l’on t’eût pardonné de l’avoir entrepris.

Philippe

On ne peut trop louer un soin si magnanime ;
Mais je vois d’un autre oeil l’autel et la victime ;
Le destin n’a point mis des sentiments égaux
Dans l’âme de l’esclave et celle du héros :
Mon devoir le plus saint, c’est de sauver mon maître :
Qui, d’Octave ou de vous, aujourd’hui le doit être ?
César ne fut jamais ni mon dieu, ni mon roi,
Et le plus fier tyran n’est qu’un homme pour moi.
Si, pour vous soutenir, une égale fortune,
Rendait entre vous deux la puissance commune,
Et que de l’immoler vous eussiez le dessein,
Sextus pourrait ailleurs chercher un assassin ;
Mais s’armer du poignard qu’un lâche nous destine,
Ce n’est que le punir, alors qu’on l’assassine.
Se laisser prévenir est moins une vertu,
Que l’imbécillité d’un courage abattu.
Il ne vous reste plus qu’une fuite douteuse ;
Pour le fils de Pompée elle serait honteuse :
Bientôt de toutes parts vous serez observé ;
Prévenez donc le coup qui vous est réservé.

Tullie

Rejetez les conseils que Philippe vous donne ;
Mais fuyons, puisqu’ainsi votre honneur nous l’ordonne.
Allons trouver mon père, et remettons aux dieux,
Le soin de nous sauver de ces funestes lieux.

Philippe

Moi, je vais retrouver César ; daignez attendre
Que je sois en état du moins de vous défendre ;
Vous verriez, si mon bras ne peut vous secourir,
Que Philippe avec vous est digne de mourir.

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