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Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/505

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Mais non, je reconnais la main du téméraire,
Qui seul aura tracé cet horrible décret :
Eh, quel autre qu’Antoine eût commis ce forfait ?
César, jusqu’à ce point, eût-il flétri sa gloire ?
Si je l’en soupçonnais, ou si j’osais le croire,
Loin de tenter encor de le justifier,
Je serais le premier à le sacrifier ;
S’il est vrai que César ait voulu vous proscrire,
Sur ce même tableau je vais me faire inscrire.
Adieu, si je ne puis vous sauver de ses coups,
Vous me verrez combattre et mourir avec vous.

Cicéron

Seul.

Eh ! qu’importe à César que nous mourions ensemble,
Et qu’un même supplice aux Enfers nous rassemble !
Que je plains ton erreur, aveugle courtisan,
Si tu crois par ta mort attendrir un tyran !
Je le vois, terminons ma course infortunée,
Par l’emploi que m’avait commis ma destinée :
Parlons, fassent les dieux que mes derniers accents,
Ne se réduisent point à des cris impuissants !


Scène III

Octave, Cicéron.
Octave

 Cicéron, en ces lieux, n’a-t-il point vu Mécène ?

Cicéron

Je ne l’ai que trop vu pour accroître ma peine ;
Mais sur un autre point, César écoute-moi,
C’est l’unique faveur que j’exige de toi.
Je vois avec pitié que ta rigueur extrême
Attirera bientôt la foudre sur toi-même ;
Si pour nous accabler de maux et de douleurs,
La terre a ses tyrans, le ciel a ses vengeurs.
Crains, malgré ton pouvoir, que quelque main hardie
Ne te punisse un jour de tant de barbarie.
Quels monstres ont jamais immolé des enfants ?
Peut-on trop respecter ces êtres innocents ?