Page:Crébillon - Théâtre complet, éd. Vitu, 1923.djvu/517

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Pour Sextus, entraîné par ses propres soldats ?
La dignité des moeurs, la vertu la plus pure,
Ne sont pas les seuls dons que lui fit la nature.
Tullie en a reçu la valeur de Sextus,
Les charmes de son sexe et le coeur d’un Brutus.
Et vous la renverrez si vous daignez m’en croire ;
Tant d’amour convient-il avec autant de gloire ?
Qu’espérez-vous d’un coeur épris d’un autre amant ?
Faites-en à Sextus un généreux présent.

Octave

C’en est fait, j’y consens, renvoyons-la, Mécène,
Mes fureurs n’ont que trop justifié sa haine ;
Puisqu’il faut s’occuper de soins plus glorieux...
Je la vois... Juste ciel... Cachons-nous à ses yeux.


Scène III

Octave, Tullie, Mécène.
Tullie

 Pourquoi me fuyez-vous, César ? Je suis vaincue.
Les soldats de Sextus l’ont soustrait à ma vue.
Vous avez triomphé de moi comme de lui.
Hélas ! dans mes malheurs où trouver un appui ?
Ne redoutez plus rien de la fière Tullie :
Il n’est point de fierté que le sort n’humilie.
Loin de vous refuser à mes tristes regards,
Faites revivre en vous la bonté des Césars.
Si j’ai porté trop loin les mépris et l’audace,

Elle lui montre la statue de César.

Au nom de ce héros daignez me faire grâce.
Ah ! Seigneur, par pitié rendez-moi Cicéron,
Honorez-nous tous deux d’un généreux pardon.
En des temps plus heureux votre haine endurcie,
Eût été désarmée au seul nom de Tullie.

Octave

Ce nom n’est point encore effacé de mon coeur,
Un seul jour n’éteint point une si vive ardeur ;
Et des feux que Tullie allume dans une âme,
Elle ne sait que trop éterniser la flamme ;
Et malgré le mépris dont vous payez mes voeux,
J’oublie, en vous voyant, que je suis malheureux ;
Et j’ose me flatter que moins préoccupée,
Vous eussiez respecté César devant Pompée.