Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/155

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Te souvient-il des jours où, passant dans l’orage,
Les dieux de tes forêts portés sur un nuage,
De leurs longs cris de guerre enivrant tes enfants,
Leur montraient dans la mort une vie immortelle,
Où leur âme suivrait une chasse éternelle
D’énormes caribous et d’orignaux géants ?

Un jour, troublant le cours de tes ondes limpides,
Des hommes étrangers, sur leurs vaisseaux rapides,
Vinrent poser leur tente au pied de tes grands bois.
Ils pliaient les genoux en touchant ton rivage ;
Puis, au maître du ciel adressant leur hommage,
Plantaient un drapeau blanc à côté d’une croix.

Et prenant ce drapeau, ces hommes au teint pâle
Portèrent les rayons de sa couleur d’opale
Jusqu’aux bords sablonneux du vieux Meschacébé ;
Et devant cette croix, qui brillait dans tes ombres,
Tu vis tes dieux vaincus pleurer sur les décombres
Amoncelés autour de leur autel tombé !

Te souvient-il des jours où, prêtres et victimes,
Les fils de Loyola, ces apôtres sublimes,
Fécondant de leur sang ton sol régénéré,
Rappelaient de la croix les splendeurs primitives ;
Et, d’un martyre affreux sanctifiant tes rives,
Laissaient à tes enfants leur souvenir sacré ?





Pourquoi donc tous ces cris de bonheur et de fête ?
Tes guerriers, apportant les fruits de la conquête,