parvenir à écrire en maître, il faut également faire de l’étude non pas un moyen de distraction, mais l’emploi et le but de toute son existence. Lisez la vie de tous les géants qui dominent la littérature, et vous verrez que le travail a été au moins pour autant dans leurs succès que le génie qu’ils avaient reçu de Dieu. Tous les grands noms de la littérature actuelle sont ceux de piocheurs, et ils ont trouvé dans leur labeur incessant la fortune en même temps que la gloire. Pour qu’un écrivain puisse ainsi se livrer à un travail assidu, il faut qu’il soit sûr au moins de ne pas mourir de faim. Pour donner le pain quotidien au jeune homme qui a le désir et la capacité de cultiver les lettres, il faudrait fonder en Canada une revue qui paierait cinq, dix et même quinze sous la ligne les œuvres réellement supérieures. Quand un jeune auteur recevrait pour un travail d’un mois, pendant lequel il aurait produit 400 à 500 lignes bien limées, bien polies, soixante à quatre-vingts piastres, comme il trouverait dans cette somme de quoi vivre pendant deux mois, soyez sûr que, s’il avait réellement le mens divinior, il continuerait un métier qui, en lui donnant le nécessaire, lui apporterait encore la gloire par-dessus le marché !
« Mais comment arriver à ce résultat ? Par une société en commandite. C’est ainsi qu’ont été fondées toutes les grandes revues européennes. On perd de l’argent les premières années, mais un jour vient où le goût public s’épure par la production constante d’œuvres