Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

24
octave crémazie

grandes et belles, et alors la revue qui a produit cet heureux changement, voit chaque mois sa liste d’abonnés augmenter, et cette affaire, qui ne semblait d’abord n’être qu’un sacrifice patriotique, devient bientôt une excellente opération commerciale. Il en a été de même dans tous les pays. Pourquoi en serait-il autrement dans le Canada ?

« On jette, chaque année, des capitaux dans des entreprises qui présentent beaucoup plus de risques aux actionnaires et qui n’ont pas pour elles le mérite de contribuer à conserver notre langue, le second boulevard de notre nationalité, puisque la religion en est le premier.

« J’ai souvent rêvé à cela dans les longues heures de l’exil. J’ai tout un plan dans la tête, mais les bornes d’une lettre ne me permettent pas de vous le détailler aujourd’hui. D’ailleurs la tête me fait toujours un peu souffrir, et je suis éreinté quand j’écris trop longtemps. Je finirai demain cette trop longue missive…

« Ce qui manque chez nous, c’est la critique littéraire. Je ne sais si, depuis que j’ai quitté le pays, on a fait des progrès dans cette partie essentielle de la littérature ; mais de mon temps c’était pitoyable. Les journaux avaient tous la même formule, qui consistait en une réclame d’une dizaine de lignes.

« Pour parler de vers, on disait : « Notre poète, etc. » S’agissait-il de faire mousser la boutique d’un chapelier qui avait fait cadeau d’un gibus au rédacteur, on lisait : « Notre intelligent et entreprenant M***