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journal du siège de paris.

Il a tué un cheval attelé à un fiacre, fracassé la tête d’une pauvre vieille femme qui est morte sur le coup, et démoli la devanture d’un marchand de vin. Je n’ai pas jugé à propos d’aller plus loin et je suis revenu chez moi, me promettant bien de ne plus traverser la Seine tant que durera cet infernal bombardement. La coupole du Panthéon a été atteinte par les projectiles prussiens, ainsi que la tour de Saint-Étienne-du-Mont. Les bonnes nouvelles de la province qui circulaient hier ne se confirment pas. Voilà bientôt un mois que nous sommes sans dépêches de Gambetta. Tout cela n’est guère rassurant. Les ultra-radicaux, ennemis jurés de Trochu, font courir le bruit que c’est lui qui fait bombarder Paris par les forts, afin de hâter la capitulation de la capitale et de rétablir Napoléon III. C’est stupide, mais il y a des imbéciles pour avaler cette bourde. Ce bombardement de Paris nous a pris par surprise. C’est une loi de la guerre qu’avant de bombarder une place qui renferme une population civile, l’assiégeant doit notifier quarante-huit heures à l’avance le commandant de la ville assiégée, afin que les femmes, les enfants et les vieillards puissent chercher un refuge en dehors des murs. M. de Bismark, l’homme qui a dit : La force prime le droit, ne se gêne pas pour si peu. Du reste, cette dépense de ferrailles n’avance pas la reddition de Paris de cinq minutes. Tant que nous aurons une bouchée de pain à manger, nous tiendrons quand même, en dépit de tous les canons Krupp du monde.