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octave crémazie

pour mes premiers écrits, ce n’est que pour mieux tomber à bras raccourci sur mes pauvres Trois morts, qui n’en peuvent mais.

« Les dieux littéraires de M. Thibault ne sont pas les miens ; cramponné à la littérature classique, il rejette loin de lui cette malheureuse école romantique, et c’est à peine s’il daigne reconnaître qu’elle a produit quelques œuvres remarquables. Pour moi, tout en admirant les immortels chefs-d’œuvre du XVIIe siècle, j’aime de toutes mes forces cette école romantique qui a fait éprouver à mon âme les jouissances les plus douces et les plus pures qu’elle ait jamais senties. Et encore aujourd’hui, lorsque la mélancolie enveloppe mon âme comme un manteau de plomb, la lecture d’une méditation de Lamartine ou d’une nuit d’Alfred de Musset me donne plus de calme et de sérénité que je ne saurais en trouver dans toutes les tragédies de Corneille et de Racine. Lamartine et Musset sont des hommes de mon temps. Leurs illusions, leurs rêves, leurs aspirations, leurs regrets trouvent un écho sonore dans mon âme, parce que moi, chétif, à une distance énorme de ces grands génies, j’ai caressé les mêmes illusions, je me suis bercé dans les même rêves et j’ai ouvert mon cœur aux mêmes aspirations pour adoucir l’amertume des mêmes regrets. Quel lien peut-il y avoir entre moi et les héros des tragédies ? En quoi la destinée de ces rois, de ces reines peut-elle m’intéresser ? Le style du poète est splendide, il flatte mon oreille et enchante mon esprit ; mais les idées de ces