Page:Crémazie - Œuvres complètes, 1882.djvu/522

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

524
dernières lettres.

Et dire que durant seize ans de sa vie, il a traîné ce boulet au pied et ce remords au cœur. Avec quelle vivacité d’impression, ceux-là seuls qui sont doués comme lui d’une intelligence d’élite, d’une sensibilité de poète, seraient capables de le sentir et de l’exprimer ! Ses plus mortels ennemis, s’il en eut jamais, n’auraient pu lui souhaiter une destinée plus cruelle, une plus amère expiation.


à sa mère.


Bordeaux, 24 juin 1876.
Ma bonne mère,

Dimanche, bien que je fusse retenu à ma chambre par le mal de tête, j’ai vu, de ma fenêtre, la grande procession du Saint-Sacrement. C’est réellement magnifique. Toutes les rues sont jonchées de feuilles et de grandes palmes, dans le genre de celles qu’on voit dans les tableaux qui représentent l’entrée de Jésus-Christ à Jérusalem. Sur ce lit de feuilles on jette des fleurs, de sorte que la procession marche constamment sur un véritable tapis de feuilles et de fleurs.

Ce lit de verdure, qui est fourni par les habitants de chaque maison, remplace les balises que l’on met chez nous, mais que l’on ne peut se procurer dans un pays où le bois est très cher et très rare. À chaque fenêtre des rues où passe la procession, on suspend de grands draps blancs sur lesquels on entrelace des guirlandes de fleurs ou des inscriptions pieuses également faites