Page:Crémieux et Blum, Bagatelle.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

––––––D’un ton d’émotion s’écrie ;
–––––– « — Qui va là ? — Qui donc, je vous prie
––––––Attendez-vous autre que moi ? »
––––––On me reconnaît. Sur ma bouche
––––––Un doigt vient se poser soudain.
––––––Et madame Sainte-Nitouche
––––––Me reconduit de l’autre main.
––––––Je comprends le geste et me dis :
–––––– « Il paraît que la place est prise. »
––––––Fort déconfit de ma surprise,
––––––Je descends de mon paradis.
––––––Des personnes malavisées
––––––Auraient crié, hurlé, gémi !…
––––––Moi, j’ai pris aux Champs-Élysées
––––––L’omnibus qui rentre à Neuilly.

(Parlé.) L’omnibus de Suresnes. Il marche jusqu’à une heure du matin.

––––––Là, tranquillement à l’abri,
––––––L’esprit rafraîchi par la pluie
––––––Qu’en route j’avais recueillie,
––––––Je me mis à rêver ainsi :
–––––– « Qui me dira le mot, en somme,
–––––– « De l’aventure d’aujourd’hui ?
–––––– « Est-ce moi qui trompais cet homme ?
–––––– « Ou bien suis-je trompé par lui ?…
–––––– « Si c’est moi qui suis le déçu,
–––––– « Je m’en consolerai peut-être,
–––––– « En disant, comme le grand maître :
–––––– « Georges Dandin, tu l’as voulu ! »

Voilà ! je n’en demande pas plus que ça aux femmes.

BAGATELLE.

Eh bien ! vous n’êtes pas trop exigeant, ça a même l’air de vous faire plaisir.

GEORGES.

Mais certainement… Comment, un monsieur et une dame se sont cachés de moi, et ont eu peur que je ne les surprisse ! Mais, à dix-huit ans !… ça flatte !… D’abord, voyez-vous, madame, on n’est réellement un homme qu’à partir du jour où on est… trompé. C’est de là que date la vraie majorité. (D’un ton très-dégagé.) Pour en revenir à nos amours…