Page:Crémieux et Halévy, Le Pont des soupirs - 1868.djvu/91

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Le chef des Dix.

Pourquoi ça ?

Malatromba.

Parce que si la petite formalité avait lieu tout de suite, cette foule, qui est là sous vos fenêtres, serait allée voir pendre Cornarino.

Le chef des Dix.

Eh bien ! qu’est-ce que cela aurait fait ?

Malatromba.

Ce que cela aurait fait ?… Vous allez le comprendre. Venise est sans doge… Il faut nommer un doge.

Magnifico, menaçant.

Ah ! je vous comprends, vous…

Malatromba, s’approchant de lui, devant la table.

Ah ! vous me comprenez… seigneur Magnifico… eh bien… (Il l’amène sur le devant et lui dit bas d’un ton terrible.) Écoute, petit père. Tu fais semblant d’être un homme de plaisirs… mais je t’ai percé à jour… tu es un profond politique…

Magnifico, bas.

C’est vrai.

Malatromba, de même.

Tu es un ambitieux…

Magnifico, de même.

C’est vrai.

Malatromba, le décoiffant, et de même.

Il y a du Catilina sous ce petit crâne pointu.

Magnifico, à part.

Je suis découvert.

Malatromba, bas.

Suis mon conseil, Magnifico, je ne te veux point de mal,