Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/126

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

En voici la première version, encore inédite :

À mon très cher et vénéré maître et ami, Théophile Gautier.

« Bien que je te prie de servir de parrain aux Fleurs du mal, ne crois pas que je sois assez perdu, assez indigne du nom de poète, pour m’imaginer que ces fleurs maladives méritent ton noble patronage. Je sais que, dans les régions éthérées de la véritable poésie, le mal n’est pas, non plus que le bien, et que ce misérable dictionnaire de mélancolie et de crime peut légitimer les réactions de la morale, comme le blasphémateur confirme la i religion. Mais j’ai voulu, autant qu’il était en moi, en espérant mieux peut-être, rendre un hommage profond à l’auteur de lAlbertus, de la Comédie de la Mort et iVEspana, au poète impeccable, au magicien es langue française, dont je me déclare, avec autant d’orgueil que d’humilité, le plus dévoué, le plus respectueux et le plus jaloux des disciples.

» Chaules Baudelaire. »

On lit, sur cette épreuve, trois lignes qui ne paraissent pas être de la main de Poulet-Malassis : « Dédicace des Fleurs du mal (i) à Théophile Gautier qui la fit supprimer, parce qu’une dédicace ne doit pas être une projession de foi. »

Le succès, mêlé de scandale, que le livre obtint au


(i) Les Fleurs du mal sont annoncées, au Journal de la Librairie, dans le n° du n juillet 1857. L’exemplaire de cette première édition, qui a appartenu à Poulet-Malassis, porte, sur un feuillet de garde, cette note autographe de son premier possesseur : « Tiré à i.3oo exemplaires, papier vélin, et 20 vergés. Les exemplaires vergés furent, presque tous, distribués par Baudelaire. Deux ou trois furent vendus à des libraires et trouvèrent amateur, en 1867 et i858, à vingt, trente et même quarante francs. »