Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/265

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choses l’une en ce cas : ou bien il vous racontait, entre deux éclats de rire aussi déchirants que des sanglots, sous prétexte de vous désopiler la rate, on ne sait quelles histoires d’outre-tombe prodigieuses qui vous glaçaient le sang dans les veines, et dont il s’épouvantait affreusement lui-même, ou bien il se moquait impitoyablement, mais très adroitement, des auditeurs pendant une heure ou plus, en s’appliquanl à leur démontrer en termes techniques et de haute école la quadrature du cercle, la perversité des comètes, l’attirance des gouffres, le mouvement perpétuel, la transmutation des métaux, l’infaillibilité du pape, la bonté du démon, la férocité de Dieu, que sais-je encore ! Hé, je le vois et je l’entends. « Amusons-nous un peu !» S’il vous abordait en vous disant cela, vous pouviez être sur que ses confidences ne tarderaient point à prendre une tournure sinistre et que bientôt vous en auriez la chair de poule, a Avez-vous songé parfois à l’influence fatale de la cuisine sur le génie de l’homme : } Etes-vous suffisamment éclairé sur la conformation physique probable des saints ? » Si la conversation s’engageait ainsi, vous étiez perdu ! Mille phrases harmonieuses et pompeuses, mais abstruses, sinon incompréhensibles, à travers lesquelles un intarissable et banal bavardage sur Ion tes sortes de recettes culinaires et pharmaceutiques relatives à la préparation du poulet au hatchich, du canard au safran ou du gigot à l’opium, passait et repassait sans cesse, l’associant on ne sait comme aux grands mots de métempsycose et de kabbale, de transsubstantiation et d’anthropomorphisme, allaient vous bercer jusqu’à parfait sommeil, et le perfide orateur,