Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/291

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cière par le luxe et la dépense. M. Pérignon et M. Baudelaire étaient d’anciens camarades de Sainte-Barbe et étaient restés très liés. Il était l’ami de la maison ; il y était choyé, fêté. J’entendais constamment faire son éloge.

)) Ce vieillard (il me paraissait vieux — j’étais si jeune ! — avec ses cheveux gris frisés et ses sourcils noirs comme de l’ébène) me plaisait par son esprit si original. On répétait souvent dans la famille (je m’en souviens) : « Baudelaire, avec son esprit si brillant, a aussi la naïveté et la bonhomie de La Fontaine. »

» Je me rappelle que les jours de gala, lorsqu’il y avait beaucoup d’invités à diner à \uteuil, campagne de M. Pérignon, et que je voyais M. Baudelaire descendre d’une voiture armoriée avec un laquais à cheveux blancs, l’air vénérable, galonné sur toutes les coutures, tout resplendissant d’or, et qui restait debout derrière lui, à dîner, pour le servir, comme c’était l’usage alors d’emmener avec soi un domestique pour vous servir à table, M. Baudelaire me faisait l’effet d’un grand seigneur. Quand, depuis, étant sa femme, je lui ai raconté cela, il me dit : « Mais, enfant, vous ne pensiez donc pas que cette voiture aux armes du Sénat et ce domestique étaient mis à ma disposition pour les convocations que j’avais à faire, et, lorsque je m’en servais pour mon compte, je ne manquais jamais de donner un louis au cocher, au retour, comme si j’avais pris une remise. »

» Si le père Baudelaire avait vu grandir son fds, il ne se serait certes pas opposé à sa vocation d’homme de lettres, lui qui était passionné pour la littérature et