Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/303

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lique ; je ne suis guère plus gai. Je trouve, comme vous, que notre petit monde se dépeuple. C’est irritant de voir cette génération, ce groupe, vous m’entendez, toujours frappé par la mort, par la maladie, ou arrêté par des obstacles imprévus, détourné, découragé. Cela est triste quand on pense à tout ce qu’il y avait, de ce coté-là, de talent, d’esprit et de bonne volonté.

» J’ai beaucoup vécu par l’amitié, vous le savez ; encore deux coups comme cela, et je ne sais plus vraiment ce que je deviendrais, car je sens que ce n’est que par mes amis que je trouve encore le courage de travailler, si peu que ce soit, et de croire à quelque chose. Je suis d’ailleurs dans un état de crise. Ma vie, que je croyais avoir très sagement arrangée, se dérange et je ne sais pas trop comment je vais faire. J’ai été, cet été, au moment de demander une place de bibliothécaire en province. Il se peut que,pendant cet hiver, je m’en occupe sérieusement ; car, pour tout dire, je suis dégoûté de Paris, je m’y ennuie, je n’y trouve plus personne à qui parler, et peut-être mieux vaut la solitude dans le désert que dans la foule.

» Allons, mon bon ami, au revoir. Si, parmi les journaux que je vous ai notés, il en est que vous ne [missiez pas trouver à Bruvelles, mandez-le-moi, je vous les enverrai.

» Votre Cii. Asselineau. »