Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/433

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point maigri. Loin de s’apitoyer sur ma santé, on m’a laissée seule avec ma fièvre. Foin des hommes ! Foin des amis ! lorsqu’on gémit, ils vous plantent là. Donc, je me soigne ; donc, je veux guérir. Vive la santé ! Vive aussi l’homéopathie, qui soigne proprement, avec une simple cuillerée d’eau distillée.

» Pendant que je vous écris, j’entends le chemin de fer, qui file vers Bruxelles. Voilà-t-il pas une jolie invention que cette grosse mécanique, qui rue, renifle, pour emporter, rapporter, tous les jours, des milliers d’indifférents, à des milliers de kilomètres, et qui n’a pas l’intelligence de vous enlever de cette satanée Belgique, où je suppose que vous ne vivez qu’à moitié, pour vous rendre à vos amis, éplorés de votre trop longue absence. Oui, va, stupide machine, siffle-toi, siffle ton inutilité, siffle ceux que tu portes, siffle aussi celui que tu laisses, puisqu’il se plaît loin de nous. Ah ! si vous étiez à Paris, vous viendriez fumer votre cigarette dans mon pot de fleurs ; — mon jardin, vu sa petitesse, ne mérite pas d’autre nom. J’y suis souvent assise, comme la première fois que vous êtes venu me voir, vous souvenezvous ? — Mon mari a fait un voyage en Italie ; depuis qu’il est revenu, il va souvent à la campagne… dîner.

» Quand il exécute sa fugue pastorale, je dîne seule, tète-à-tête avec celui-ci, ou celui-là. — Je vous ai eu quelquefois ; vous ne vous en êtes probablement pas aperçu. Venez donc, de ces dîners illusoires, faire des dîners réels ; nous causerons après, je ne puis causer qu’avec vous, vous seul savez me faire croire qu’on peut ne pas s’ennuyer à parler d’autre chose que de la politique. La République, la lune, qu’est-ce que cela