Page:Crépet - Charles Baudelaire 1906.djvu/457

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

chanvre m’ouvre successivement tous les arcanes de ses transformations, jusqu’à la corde de pendu inclusivement. Néanmoins, au moment de me pendre, je me laisse aller à la pi lié pour une jeune fille qui se noie : je lui tends ma corde, et je sauve la Poésie qui m’enseigne la résignation et l’amour universel.

» Vous voyez d’ici les divers cadres d’impressions que le sujet comporte. C’est la vie humaine avec tous ses actes ; — c’est la chemise, le voile, le papier, la charpie, le linceul, etc. N’est-il pas bizarre, dites-moi, qu’à distance, votre goût et le mien suivent des voies aussi parallèles ? En lisant vos malheurs d’un mangeur d’opium, vos tableaux me prenaient à la gorge, comme des retours de sensations déjà éprouvées. Cette faculté, que je possède à haut degré, de m’assimiler des impressions particulières à certaines natures nerveuses, maladives ou même folles, méfait parfois penser que j’éprouve des réminiscences d’existences antérieures vécues dans des sociétés bizarres, sur des globes étranges, et dans des milieux extravagants.

n Vous êtes, mon cher ami, un terrible pionnier de ces domaines imaginaires, où je me réfugie aussi de temps à autre, dans les heures ennuyées du terre-àterre. Avouez qu’au retour de ces excursions dans le fantastique, il reste en \ous une assez piètre estime de la vie réelle et de l’animal positif qui en pratique les voies bètes. J’aimerais à vous voir dans l’intimité ; je crois que nous nous comprendrions à demi-mot. On me dit que vous êtes d’un caractère triste et concentré ; on dit de moi que je suis un ours ; on prétend que votre humeur est noire, on affirme que j’ai des accès