Page:Crépet - Les Poëtes français, t1, 1861.djvu/448

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
QUINZIÈME SIÈCLE.

Car ma dame en son testament
Prist a la Mort, Dieu en ait l’ame,
Et emporta mon sentement,
Qui gist o[1] elle soubz la lame.

Désormais est temps de moy taire,
Car de dire je suis lassé ;
Je vueil laisser aux autres faire
Leur temps, car le mien est passé.
Fortune a le forcier[2] cassé,
Où j’espargnoye ma richesse
Et le bien que j’ay amassé
Au meilleur temps de ma jeunesse.

Amours a gouverné mon sens,
Se faulte y a, Dieu me pardonne :
Se j’ay bien fait, plus ne m’en sens,
Cela ne me toult, ne me donne[3].
Car au trespas de la très bonne
Tout mon bien fait se trespassa.
La Mort m’assist illec la bourne[4]

Qu’oncques puis mon cueur ne passa.
 

 
 
Il est, ce jour, et plus riche et plus aise,

Que s’il gaignait tout l’or d’Aufrique ou d’Aise[5].
Se une dame monstre à ung qui luy plaise,
Le cueur luy volle.
Et de joye perd maintien et parolle,
Et, s’aucun scet son secret, il l’acolle,
En ce plaisir se meurdrist et s’affolle
Plus que devant,
Et se remet en penser plus avant,

  1. Avec.
  2. Le coffre-fort.
  3. Enlève
  4. C’est-à-dire ; la mort a posé là pour moi la limite que jamais, depuis , mon cœur n’a franchie.
  5. D’Asie.