Page:Crépet - Les Poëtes français, t2, 1861.djvu/29

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Ainsi puisse engloutir ses rentes et sa terre,
Et se dévore après par les dents de la guerre !

Qu’il puisse, pour venger le sang de nos forests,
Tousjours nouveaux emprunts sur nouveaux interests
Devoir à l’usurier, et qu’en fin il consomme
Tout son bien à payer la principale somme !
Que tousjours, sans repos, ne fasse en son cerveau
Que tramer pour-néant quelque dessein nouveau,
Porté d’impatience et de fureur diverse,
Et de mauvais conseil qui les hommes renverse !
Escoute, Bûcheron, arreste un peu le bras :
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang, lequel dégoûte à force,
Des Nymphes qui vivoient dessous la dure escorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts, et de détresses
Merites-tu, meschant, pour tuer nos Déesses ?

Forest, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuls légers
Ne paistront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d’esté ne rompra la lumière.

Plus l’amoureux pasteur sur un tronc adossé,
Enflant son flageolet à quatre trous persé.
Son mastin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette :
Tout deviendra muet ; Echo sera sans vois ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre, et la charrue.
Tu perdras ton silence, et Satyres et Pans,
Et plus le cerf chez toy ne cachera ses fans.