Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
SOUVENIRS

la Beslière avait dit à Fontenelle que le confesseur de La Fontaine et tous les assistans avaient fini par en rire aux éclats, et que les dernières paroles du bon homme avaient été ceci : « Je vois bien que je suis devenu plus bête que le bon Dieu n’est saint, » et c’est beaucoup dire ! »

Le Marquis de Dangeau venait quelquefois souper à l’hôtel de Breteuil, mais il était ligaturé dans une telle discrétion que je ne saurais véritablement que vous en rapporter, sinon qu’il était pour moi le plus inquiétant personnage de la terre, et que j’avais toujours la frayeur de faire ou dire en présence de lui quelque chose qu’il aurait désapprouvé. On disait alors qu’il écrivait ses mémoires, et quand je les ai vu paraître, ils ne m’ont semblé ni plus intéressans ni moins insignifians que leur auteur. Le Marquis de Dangeau n’avait pas moins de vanité que d’ambition ; mais comme sa vanité n’avait rien d’offensif et son ambition rien d’hostile, on s’en moquait un peu, si vous voulez, mais c’était sans intention dénigrante, et d’ailleurs on estimait en lui la véracité, la bienveillance et la parfaite sûreté du caractère. Quand il reçut le collier du Saint-Esprit, il en pleurait de joie pendant la cérémonie ; et quand le Roi, qui s’en divertissait, lui délégua sa grande-maîtrise de l’Ordre de Saint-Lazare, il en prit une grosse fièvre de nerfs, en résultat de son émotion.

« La noblesse, Dangeau, n’est point une chimère…

On est fâché que ce soit à lui que Boileau Despréaux se soit adressé pour afficher une si belle