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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

d’honneur à Madame sa mère ; il alla jusqu’à déclarer, qu’il avait besoin de ménager le Parlement pour faire casser le testament du feu Roi. Les Pairs de France éclatèrent et protestèrent ; le Parlement foula sous ses pieds les dernières volontés de Louis XIV, et la grande affaire du Bonnet pour opiner fut renvoyée par le Régent jusqu’à la majorité du Roi, qui n’a jamais voulu s’en mêler.

Vous savez déjà que je voyais souvent Mesdemoiselles de Lorraine. Nous voulûmes absolument aller au Parlement pour la séance royale, et le Premier Président s’y employa de son mieux sans pouvoir y parvenir, parce que M. le Régent avait fait réserver deux places dans la tribune pour Milord et Miladi Stairs ( l’ambassadeur et l’ambassadrice d’Angleterre), et que nous étions Jacobites au point de ne les pouvoir envisager de sang-froid. Nous refusâmes de nous trouver en compagnie de ces orangistes, et l’on nous plaça de plain-pied dans une embrasure de fenêtre auprès du lit de justice, sous la garde de deux huissiers du Parlement, qui nous couvaient des yeux comme auraient fait des duègnes de Caldéron ou de Lope de Véga.

Tout ce que j’ai vu de cette première séance de la cour des Pairs sous le nouveau règne, m’a souvent donné à penser.

Le jeune Monarque fut apporté par le Grand Écuyer depuis son carrosse jusqu’à la porte de la grand’chambre du Parlement, où le Duc de Tresme, faisant l’office de Grand Chambellan, reçut le Roi dans ses bras et fut le porter sur son trône, au pied duquel était assise une de nos tantes, c’est-à-dire la