Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/193

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
185
DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

surtout parce qu’il ne se trouvait dans sa chambre à coucher ni aucun livre, ni rien de ce qu’il aurait fallu pour écrire.

— Madame ne pourra jamais se délacer de son corps-piqué, et comprenez-vous ce que Madame va faire toute seule enfermée dans sa vieille tour ? — Dieu le sait, et Dieu veuille !…

Il est bon de vous dire que c’était une tourelle du château qui formait les parois de cette chambre. Elle était éclairée par une seule croisée garnie de barreaux très-solides et très-serrés. La cheminée, suivant l’ancien usage, était barrée dans le tuyau par une double croix en fer. Cette même chambre était sans cabinets, sans issue et sans aucune autre ouverture que la fenêtre grillée, la cheminée barrée et la porte d’entrée dont cette étrange personne avait eu soin de pousser les verroux. Enfin ladite chambre était précédée par une grande pièce où couchait une vieille Demoiselle d’Aguesseau que sa nièce avait recueillie chez elle, parce que c’était une espèce d’idiote, et peut-être aussi parce qu’elle pouvait payer une forte pension. Voilà l’état des lieux, et voici l’état des faits.

On était entré le lendemain comme à l’ordinaire à sept heures du matin, dans cette grande pièce qui servait de passage ou d’antichambre, et où l’on faisait coucher Mlle d’Aguesseau. On l’avait trouvée sans connaissance, étendue sur le parquet, en camisole de lit, coiffée de nuit, avec les jambes nues et tenant fortement serré dans sa main droite un cordon de sonnette qu’elle avait arraché. Tout ce qu’on put tirer d’elle après qu’elle eut repris ses sens,