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SOUVENIRS

terrain. Ceux qui se hasardèrent à descendre les premiers s’embarrassèrent les pieds dans un suaire, et quand on voulut placer le corps de M. de Tavannes à côté de celui de sa nièce, on trouva que la bière de cette malheureuse jeune femme était tombée par terre et qu’elle avait été brisée. On découvrit avec horreur qu’on l’avait enterrée vivante, qu’elle avait eu la force de rompre son double cercueil, et qu’elle était venue mourir de faim à l’entrée du sépulcre, d’où sa lamentable voix n’avait pu se faire entendre de ceux qui la pleuraient ; car elle était adorée de son mari, de leurs enfans, de ses frères, et notamment de la Maréchale de Luxembourg qui m’en a parlé cent fois les larmes aux yeux.

On ne sait pas assez combien il y a de pauvres gens qu’on fait ensevelir et qui se trouvent enterrés avant d’être morts. Le fameux Boerhaave a dit à mon père qu’il avait tenu tête à toute la régence de la Haye, au sujet d’un Grand-Pensionnaire, appelé M. Van Nollier, qu’on voulait porter en terre, et qui vécut, grâce à lui Boerhaave, environ treize ou quatorze ans après la même entreprise. Vous en avez un exemple dans votre maison. La Connétable de Lesdiguières avait fait un cri terrible, et s’était soulevée quand on s’était mis à l’ouvrir pour l’embaumer. Elle avait porté ses mains sur le scalpel, dont elle s’était blessée les doigts jusqu’au sang. Mais la pauvre femme retomba sans connaissance et mourut effectivement le surlendemain. Quand on exhuma la femme de ce damné Baron de Lohesme, qu’il avait fait enterrer deux jours avant dans le cimetière de