Page:Créquy - Souvenirs, tome 1.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
SOUVENIRS

même Comte de Canaples qui la tua d’un coup d’espingole.

M. de Canaples aurait bien voulu que Mlle des Houlières, qui était la dixième Muse de son temps, lui fit quelque pastorale sur ce sujet-là, — et je voudrais aussi, disait-il, que ce fût sur l’air.

« Mon aimable boscagère,
« Que fais-tu dans ces vallons ? »

C’est alors que Mlle des Houlières se mit à l’œuvre pour lui composer cette fameuse chanson qui consiste en deux vers de huit syllabes. — Quand on les a répétés jusqu’au bout de la mesure, nous disait-elle avec enjouement, on n’est pas moins satisfaite et moins avancée que si la strophe avait été complètement et régulièrement finie ; écoutez plutôt, mes Révérendes Mères :

« Elle a tant mangé de monde,
« La bête du Gévaudan !
« Elle a tant mangé de monde,
« La bête du Gévaudan !
« Elle a tant mangé de monde[1] !…

  1. Ne confondez pas cette bête avec un autre monstre affamé qui parut long-temps après, et à qui on donna le même nom de bête du Gévaudan, quoiqu’il arrivât des montagnes de Navarre. La même chanson recommença son tour de France, et M. Grimm écrivit à ses illustres correspondans que l’auteur de celtte complainte était M. Mettra, le fameux nouvelliste de la Petite-Provence. Vous pouvez juger par ceci des renseignemens qu’il prenait et du mérite des observations qu’il adressait à ses cours du Nord.
    (Note de l’Auteur.)