Page:Créquy - Souvenirs, tome 2.djvu/110

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
106
SOUVENIRS

comme il n’avait pu faire entrer ses pieds dans les sandales du mort, il arriverait infailliblement avec des souliers, si ce n’était les pieds nus, et tout ceci se trouva d’une exactitude parfaite.

Le Duc écrivit en conséquence de ce rapport des novices et de la supplique de leur supérieur, au Commandeur Hercule d’Est, qui était Gouverneur de la Mirandole et frère naturel de Son Altesse. On aposta des soldats dans l’intérieur du cloître, où l’on captura ce meurtrier, qui était un chef de brigands piémontais. C’était deux jours avant notre arrivée qu’il avait été pendu la tête en bas, après avoir eu les poings coupés.

On aurait dit que j’étais condamnée, depuis six mois, à me trouver continuellement pourchassée par des récits et des images de supplices.

En arrivant à Rome, je désirais aller, avant toute chose, à la Basilique de Saint-Pierre, pour y faire mes dévotions au saint tombeau des apôtres Pierre et Paul, ce que M. de Créquy ne désapprouva point. Nous nous fîmes descendre à l’entrée de cette grande colonnade qui forme la place, et nous allâmes à pied jusqu’à l’église, où je vis passer mon père qui se rendait processionnellement à la chapelle Sixtine au milieu d’une foule de Cardinaux, de Gentilshommes romains et de Prélats Mentellone ou Mentelletta, car c’est uniquement à la longueur de l’habit qu’on peut distinguer ces deux sortes de Monsignori. Je fis ma prière avec autant de componction qu’il me fut possible, ce qui ne veut pas dire que ce fut tout-à-fait sans distractions, et puis nous nous fîmes conduire au palais de Sicile, où le