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SOUVENIRS

gence, et dans une langue dont elle ne comprenait pas un mot. Je ne sais comment il répondit à ses reproches, mais toujours est-il qu’il en reçut un coup de poignard dont il faillit rendre l’ame, et dont il alla se faire guérir à Venise où mon père était encore Ambassadeur. C’est un accident que je n’ai pas eu sur la conscience.

La mémoire du Pape Clément XI est à jamais vénérable[1]. Sa mort était restée pour les Romains un sujet de regret général et d’affliction. Il n’avait accepté le souverain pontificat qu’au bout de quatre jours après son élection dans le conclave, où l’on eut grand’peine à triompher de sa résistance. Il avait rempli la chaire apostolique à l’édification de l’univers chrétien pendant vingt et un ans. Il avait rigoureusement exécuté la déclaration de son prédécesseur, Innocent XII, contre le népotisme. Ses mains sacrées et paternelles étaient ouvertes à tous les malheureux dans tous les pays, et tout le monde a su qu’il avait envoyé des batimens chargés de grains et d’argent pour le soulagement des pauvres Marseillais pendant l’hiver de 1720. Docte, modeste et courageux pontife, c’est à lui qu’on doit rapporter le bienfait des constitutions Unigenitus, Augustinus et Vineam Domini. Il a paci-

  1. Jean-François Albani, fils de Don C. Albani, Sénateur Romain, né le 22 juillet 1649, créé Cardinal du titre de Saint-Silvestre en 1690 ; élu souverain Pontife après 45 jours de conclave en 1700. Il avait pris le nom de Clément en mémoire de ce que son exaltation pontificale avait eu lieu le jour où l’église célèbre la fête de Saint-Clément, Pape et Martyr. Il était mort le 19 mars 1721 âgé de 73 ans.
    (Note de l’Auteur.)