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DE LA MARQUISE DE CRÉQUY.

Russie) il s’était assis sur le grand fauteuil de vêture qui se trouvait au chevet du lit et le dos à la muraille, mais trouvant qu’il n’y voyait que de profil il avança le même fauteuil en se retournant sur lui-même, et ceci fut opéré brusquement et bruyamment. Pierre Ier se mit alors à parler moscovite pendant sept à huit minutes, mais ce fut à demi-voix et du ton le plus respectueux. Le Couraquine exposa que S. M. Impériale était pénétrée d’estime et de considération pour Madame et qu’ayant à cœur de fonder une institution qui fût analogue à celle de Saint-Cyr, l’Empereur avait désiré visiter cette maison, comme aussi rendre hommage à son illustre fondatrice ; et puis des complimens à n’en pas finir sur la piété, la bonne administration le singulier mérite et les hautes vertus de Madame qui répondit en faisant un éloge de Sa Majesté, poliment sans dire le Czar, et discrètement sans lui donner le titre d’Empereur. On parla des réglemens de l’institut, des preuves de noblesse exigées pour l’admission des élèves, et finalement en envoya chercher les dignitaires du couvent qui furent nommées et présentées par le Maréchal, et qui conduisirent S. M. dans toute la maison.

Ce Czar avait envoyé sa femme aux eaux de Spa ; mais une autre chose que je vous puis affirmer sur les témoignages de Mmes  de Rohan de Salm et de Béthune, c’est que la plupart des dames et des autres suivantes de la Czarine allaitaient des poupons, et que lorsqu’on avait l’air d’y prendre garde, elles vous disaient à l’envi l’une de l’autre, avec un air de fierté jubilatoire : — C’est Sa Majesté l’Empereur